La gestion de l'eau représente un enjeu majeur dans le domaine de l'écoconstruction. Alors que les ressources en eau douce se raréfient et que les épisodes climatiques extrêmes se multiplient, il devient impératif d'adopter des approches innovantes pour préserver cette ressource vitale. L'écoconstruction offre des solutions concrètes pour optimiser l'utilisation de l'eau, de sa récupération à son traitement, en passant par sa réutilisation. Cette démarche holistique permet non seulement de réduire l'empreinte environnementale des bâtiments, mais aussi d'améliorer leur autonomie et leur résilience face aux défis hydriques à venir.
Concepts fondamentaux de l'hydrogestion en écoconstruction
L'hydrogestion en écoconstruction repose sur plusieurs principes clés visant à minimiser la consommation d'eau potable et à maximiser l'utilisation des ressources hydriques disponibles. Il s'agit d'une approche systémique qui prend en compte le cycle complet de l'eau dans un bâtiment, de son entrée à sa sortie.
L'un des concepts fondamentaux est la hiérarchie des usages de l'eau. Cette hiérarchie établit une distinction entre les différents besoins en eau d'un bâtiment, allant de l'eau potable pour la consommation humaine aux usages ne nécessitant pas une qualité d'eau élevée, comme l'arrosage des espaces verts. Cette approche permet d'optimiser l'utilisation de chaque type d'eau en fonction de sa qualité et de sa disponibilité.
Un autre concept clé est celui du bilan hydrique du bâtiment. Il s'agit d'évaluer précisément les entrées et sorties d'eau pour identifier les opportunités de réduction de la consommation et de réutilisation. Ce bilan prend en compte non seulement l'eau consommée directement par les occupants, mais aussi l'eau utilisée pour le fonctionnement des équipements techniques et l'entretien du bâtiment.
L'hydrogestion efficace en écoconstruction ne se limite pas à la simple économie d'eau, mais vise à créer un écosystème hydrique équilibré et résilient au sein du bâtiment.
Techniques de récupération et stockage des eaux pluviales
La récupération des eaux pluviales est une pratique ancestrale qui connaît un regain d'intérêt dans l'écoconstruction moderne. Elle permet de réduire significativement la dépendance à l'eau potable du réseau pour des usages ne nécessitant pas une qualité d'eau élevée. Les techniques actuelles de récupération et de stockage des eaux pluviales sont à la fois sophistiquées et efficaces.
Systèmes de collecte GRAF et nicoll : comparaison et efficacité
Les systèmes de collecte des eaux pluviales GRAF et Nicoll sont parmi les plus utilisés dans l'écoconstruction. GRAF propose des solutions complètes incluant des cuves enterrées de grande capacité, des filtres performants et des pompes de relevage. Nicoll, quant à lui, se distingue par ses gouttières et descentes innovantes qui optimisent la capture de l'eau de pluie.
Une comparaison des deux systèmes révèle que GRAF offre généralement une meilleure capacité de stockage, tandis que Nicoll excelle dans l'intégration esthétique et la facilité d'installation. L'efficacité de ces systèmes dépend largement de la surface de toiture disponible et des précipitations locales. En moyenne, un système bien dimensionné peut couvrir jusqu'à 50% des besoins en eau non potable d'un foyer.
Dimensionnement des cuves de rétention selon la norme NF P16-005
Le dimensionnement correct des cuves de rétention est crucial pour optimiser la récupération des eaux pluviales. La norme NF P16-005 fournit un cadre précis pour ce dimensionnement. Elle prend en compte plusieurs facteurs :
- La surface de collecte (toiture)
- La pluviométrie locale
- Les besoins en eau non potable du bâtiment
- La durée souhaitée d'autonomie en période sèche
Un calcul basé sur ces critères permet de déterminer le volume optimal de la cuve. Il est généralement recommandé de prévoir une capacité de stockage correspondant à 3 à 4 semaines de consommation en eau non potable. Cette approche permet d'assurer une autonomie suffisante tout en évitant un surdimensionnement coûteux.
Filtration et traitement : du préfiltre à l'osmose inverse
La qualité de l'eau récupérée est un aspect crucial de l'hydrogestion en écoconstruction. Les systèmes de filtration et de traitement jouent un rôle essentiel pour garantir une eau propre et adaptée à ses différents usages. Le processus commence généralement par un préfiltre qui élimine les plus grosses particules, comme les feuilles et les débris.
Ensuite, des filtres plus fins peuvent être utilisés pour éliminer les particules plus petites. Pour les usages nécessitant une eau de très haute qualité, des techniques avancées comme l'osmose inverse peuvent être employées. Cette méthode utilise une membrane semi-perméable pour éliminer pratiquement toutes les impuretés, y compris les bactéries et les virus.
Il est important de noter que le niveau de traitement doit être adapté à l'usage prévu de l'eau. Par exemple, l'eau destinée à l'arrosage ne nécessite pas le même niveau de traitement que celle utilisée pour le lavage du linge.
Intégration paysagère des dispositifs de stockage
L'intégration paysagère des dispositifs de stockage d'eau est un aspect souvent négligé mais crucial de l'écoconstruction. Une bonne intégration permet non seulement d'améliorer l'esthétique du projet, mais aussi de maximiser l'utilisation de l'espace disponible.
Les cuves enterrées représentent une solution élégante pour préserver l'esthétique du jardin. Elles peuvent être dissimulées sous une pelouse ou un espace paysager. Pour les cuves hors-sol, des solutions créatives comme l'habillage en bois ou l'intégration dans des structures végétalisées peuvent être envisagées.
Certains projets innovants vont jusqu'à transformer les dispositifs de stockage en éléments architecturaux à part entière. Par exemple, des murs d'eau ou des bassins décoratifs peuvent servir à la fois d'éléments esthétiques et de réservoirs d'eau de pluie.
Optimisation de la consommation d'eau potable
L'optimisation de la consommation d'eau potable est un pilier de l'hydrogestion en écoconstruction. Elle vise à réduire drastiquement l'utilisation d'eau traitée pour des usages ne nécessitant pas une qualité d'eau potable. Cette approche permet non seulement de préserver les ressources en eau, mais aussi de réduire les coûts liés à la consommation d'eau pour les occupants du bâtiment.
Toilettes sèches à litière biomaîtrisée : principe et mise en œuvre
Les toilettes sèches à litière biomaîtrisée représentent une alternative écologique aux toilettes conventionnelles. Leur principe repose sur la séparation des urines et des matières fécales, et l'utilisation d'une litière organique (généralement des copeaux de bois) pour faciliter le compostage.
La mise en œuvre de ces toilettes nécessite une attention particulière à plusieurs aspects :
- Le choix d'un modèle adapté à la fréquence d'utilisation
- L'installation d'un système de ventilation efficace
- La gestion du compostage des matières
- L'éducation des utilisateurs pour une utilisation correcte
Bien que nécessitant un changement d'habitudes, les toilettes sèches peuvent permettre d'économiser jusqu'à 30% de la consommation d'eau potable d'un foyer.
Robinetterie hydroéconome : technologies et labels (ECAU, NF)
La robinetterie hydroéconome joue un rôle crucial dans la réduction de la consommation d'eau potable. Ces dispositifs utilisent diverses technologies pour limiter le débit d'eau tout en maintenant le confort d'utilisation. Parmi les technologies les plus courantes, on trouve :
- Les aérateurs qui mélangent l'air à l'eau pour maintenir la pression tout en réduisant le débit
- Les limiteurs de débit qui restreignent mécaniquement le flux d'eau
- Les robinets thermostatiques qui régulent précisément la température, évitant le gaspillage d'eau lors du réglage
Les labels ECAU et NF sont des indicateurs fiables de la performance des équipements hydroéconomes. Le label ECAU, par exemple, évalue les caractéristiques d'Économie d'eau, de Confort, d'Acoustique et d'Usure. Un robinet classé E1 sera plus économe en eau qu'un robinet E3.
Réutilisation des eaux grises : systèmes aquality et pontos aquacycle
La réutilisation des eaux grises représente un potentiel considérable d'économie d'eau potable en écoconstruction. Les eaux grises, issues des douches, lavabos et lave-linge, peuvent être traitées et réutilisées pour des usages ne nécessitant pas d'eau potable, comme les toilettes ou l'arrosage.
Les systèmes Aquality et Pontos AquaCycle sont deux solutions performantes pour la réutilisation des eaux grises. Le système Aquality utilise une combinaison de filtration mécanique et de traitement biologique pour purifier l'eau. Le Pontos AquaCycle, quant à lui, emploie un processus en plusieurs étapes incluant une sédimentation, une filtration membranaire et une désinfection UV.
Ces systèmes peuvent permettre de réutiliser jusqu'à 80% des eaux grises produites dans un bâtiment, réduisant ainsi significativement la consommation d'eau potable. Leur mise en œuvre nécessite cependant une planification soigneuse et une intégration dès la conception du bâtiment pour optimiser leur efficacité.
Gestion des eaux usées en autonomie
La gestion autonome des eaux usées est un aspect crucial de l'écoconstruction, particulièrement dans les zones non raccordées au réseau d'assainissement collectif. Elle vise à traiter les eaux usées sur place, de manière écologique et efficace, tout en préservant la qualité des sols et des nappes phréatiques.
Phytoépuration : dimensionnement selon l'arrêté du 7 septembre 2009
La phytoépuration est une technique naturelle de traitement des eaux usées qui utilise des plantes aquatiques et des micro-organismes pour purifier l'eau. Le dimensionnement d'un système de phytoépuration doit respecter les normes définies par l'arrêté du 7 septembre 2009, qui établit les prescriptions techniques applicables aux installations d'assainissement non collectif.
Microstations d'épuration : comparatif des procédés SBR et MBBR
Les microstations d'épuration représentent une alternative compacte et efficace pour le traitement des eaux usées en autonomie. Deux technologies dominent le marché : le procédé SBR (Sequencing Batch Reactor) et le MBBR (Moving Bed Biofilm Reactor).
Le procédé SBR fonctionne par cycles, alternant des phases d'aération et de décantation dans un même réacteur. Il offre une bonne performance épuratoire et s'adapte bien aux variations de charge. Le MBBR, quant à lui, utilise des supports mobiles sur lesquels se développent les bactéries épuratrices. Ce procédé offre une grande stabilité et résiste mieux aux pics de charge.
Toilettes à compost : modèles separett et sun-mar
Les toilettes à compost représentent une alternative écologique aux toilettes conventionnelles, particulièrement adaptée aux projets d'écoconstruction autonomes. Parmi les modèles les plus populaires, on trouve ceux proposés par Separett et Sun-Mar.
Separett propose des modèles comme le Villa 9000, qui utilise un système de séparation des urines et des matières solides. Cette séparation permet un compostage plus efficace et réduit les odeurs. Le modèle est équipé d'un ventilateur qui assure une circulation d'air constante, contribuant à l'élimination des odeurs et à l'accélération du processus de compostage.
Sun-Mar, quant à lui, offre des modèles comme l'Excel, qui utilise un système de compostage rotatif. Ce système permet de mélanger régulièrement les matières, accélérant ainsi le processus de décomposition. Les modèles Sun-Mar intègrent également un système de chauffage qui aide à maintenir les conditions optimales pour le compostage.
Intégration de l'eau dans la conception bioclimatique
L'intégration de l'eau dans la conception bioclimatique est un aspect crucial de l'écoconstruction. Elle permet non seulement d'optimiser la gestion des ressources hydriques, mais aussi d'améliorer le confort thermique et l'efficacité énergétique du bâtiment.
Murs et toits végétalisés : régulation thermique et rétention d'eau
Les murs et toits végétalisés jouent un rôle crucial dans la régulation thermique des bâtiments tout en contribuant à la gestion durable de l'eau. Ces structures végétales agissent comme une couche isolante naturelle, réduisant les besoins en chauffage en hiver et en climatisation en été.
En termes de rétention d'eau, un toit végétalisé peut retenir jusqu'à 70-90% des précipitations lors d'un orage estival. Cette eau est ensuite progressivement libérée par évapotranspiration, contribuant à réduire les pics de ruissellement et à améliorer le microclimat urbain.
Le choix des plantes est crucial pour maximiser ces bénéfices. Des espèces comme les sedums, résistantes à la sécheresse, sont souvent privilégiées pour leur capacité à survivre avec peu d'entretien tout en offrant une bonne rétention d'eau.
Bassins de rétention paysagers : calcul du volume selon la méthode des pluies
Les bassins de rétention paysagers sont des éléments essentiels dans la gestion durable des eaux pluviales en écoconstruction. Leur dimensionnement correct est crucial pour prévenir les inondations et optimiser la gestion de l'eau sur site.
La méthode des pluies est couramment utilisée pour calculer le volume nécessaire de ces bassins. Elle prend en compte :
- La surface du bassin versant
- Le coefficient de ruissellement
- Les données pluviométriques locales
- Le débit de fuite autorisé
Le calcul se fait généralement sur la base d'une pluie de projet d'une période de retour de 10 ans. Le volume du bassin est déterminé par la différence maximale entre le volume d'eau entrant et le volume évacué par le débit de fuite.
Puits canadien hydraulique : principe et dimensionnement
Le puits canadien hydraulique, également appelé puits provençal, est un système géothermique qui utilise l'inertie thermique du sol pour préchauffer ou rafraîchir l'eau circulant dans un bâtiment. Son principe repose sur le fait que la température du sol à une certaine profondeur reste relativement constante tout au long de l'année.
Réglementation et certifications en gestion de l'eau
La gestion de l'eau en écoconstruction est encadrée par diverses réglementations et certifications qui visent à garantir l'efficacité et la durabilité des systèmes mis en place.
RT 2020 et gestion de l'eau : exigences et solutions conformes
La Réglementation Thermique 2020 (RT 2020), qui a évolué vers la Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020), intègre des exigences spécifiques concernant la gestion de l'eau dans les bâtiments neufs. Bien que principalement axée sur la performance énergétique, elle impacte indirectement la gestion de l'eau à travers plusieurs aspects :
- L'utilisation d'équipements hydroéconomes pour réduire la consommation d'eau chaude sanitaire
- L'encouragement à l'utilisation de systèmes de récupération de chaleur sur les eaux grises
- La promotion de solutions de rafraîchissement passif, comme les toits végétalisés, qui contribuent également à la gestion des eaux pluviales
Pour être conforme à la RT 2020, les projets d'écoconstruction doivent intégrer ces aspects dans leur conception, en privilégiant des solutions qui optimisent à la fois la performance énergétique et la gestion de l'eau.
Label HQE : critères "gestion de l'eau" et "maintenance-pérennité"
Le label Haute Qualité Environnementale (HQE) inclut des critères spécifiques liés à la gestion de l'eau et à la maintenance des systèmes hydrauliques. Dans la catégorie "Gestion de l'eau", les principaux critères évalués sont :
- La réduction de la consommation d'eau potable
- La gestion des eaux pluviales à la parcelle
- Le traitement des eaux usées
- L'optimisation de la gestion de l'eau chaude sanitaire
Le critère "Maintenance-Pérennité" évalue quant à lui la facilité d'entretien et la durabilité des systèmes de gestion de l'eau mis en place. Cela inclut :
- L'accessibilité des équipements pour la maintenance
- La qualité et la durabilité des matériaux utilisés
- La présence de systèmes de suivi et de détection des fuites
Pour obtenir une certification HQE, un projet d'écoconstruction doit démontrer une performance élevée dans ces domaines, contribuant ainsi à une gestion durable et efficace de l'eau sur le long terme.
Réglementation SPANC : contrôles et normes pour l'assainissement non collectif
Le Service Public d'Assainissement Non Collectif (SPANC) est chargé de contrôler les installations d'assainissement autonome pour garantir leur conformité et leur bon fonctionnement. La réglementation SPANC s'appuie sur plusieurs textes, notamment l'arrêté du 7 septembre 2009 modifié, qui définit les prescriptions techniques applicables aux installations d'assainissement non collectif.
Les principaux points de contrôle du SPANC incluent :
- La conformité de l'installation par rapport aux normes en vigueur
- Le bon fonctionnement et l'entretien régulier du système
- L'impact sanitaire et environnemental de l'installation
Les contrôles du SPANC sont obligatoires et peuvent être effectués lors de la construction, de la vente d'un bien immobilier, ou de manière périodique (tous les 4 à 10 ans selon les cas). Le non-respect des normes peut entraîner des sanctions et l'obligation de mise en conformité.